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Vers une obligation de sécurité de moyens de l'employeur ?

Sofia El Allaki
Sofia El Allaki Diplômée d'un Master II en Droit des affaires Relu par Pierre-Florian Dumez, Diplômé en droit

Tout employeur est tôt ou tard confronté à cette épée de Damoclès qu’est l’obligation de sécurité de résultat. Concrètement, vous devez assurer la sécurité physique et mentale de vos salariés. 

Si votre employé subit un accident (physique ou psychique), vous aurez beau démontrer avoir fait tout votre possible pour éviter l’accident, vous serez face à un mur, l’accident est survenu : vous devrez réparation.
Qu’importe la faute ! Seul le résultat est pris en compte.

Cette sanction de caractère automatique peut vous laisser un sentiment quelque peu amer, surtout lorsque des mesures de sécurité sont mises en œuvres et que vous attestez de votre bonne foi.

Conscient du frein que cette obligation de résultat peut représenter dans la conduite de votre business, Captain Contrat et deux élèves-avocats se proposent de mettre en lumière un changement qui semble se dessiner : l’obligation de sécurité de résultat serait en train de se métamorphoser en obligation de moyens. La bonne nouvelle !

Ce changement peut se percevoir avec un arrêt récent de la Cour de cassation (I), et nous amène à formuler quelques conseils pratiques (II).

 

 

La Cour de cassation semble retenir une obligation de sécurité de moyen.

 

Dans un arrêt récent[1], le Cour de cassation donne raison à une cour d’appel d’avoir considéré qu’un employeur n’avait pas failli à son obligation de sécurité, malgré la réalisation d’un incident, dans la mesure où il avait tout mis en œuvre pour qu’il ne se réalise pas :

« Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments qu'elle décidait d'écarter, a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'employeur justifiait avoir tout mis en œuvre pour que le conflit personnel de Mme X... avec une autre salariée puisse se résoudre au mieux des intérêts de l'intéressée, en adoptant des mesures telles que la saisine du médecin du travail et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et en prenant la décision au cours d'une réunion de ce comité de confier une médiation à un organisme extérieur ; qu'elle a pu en déduire que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de sécurité ; que le moyen n'est pas fondé »

La Cour de cassation raisonne ici en 3 temps :

- 1er temps : la salariée n'apporte pas de faits précis et circonstanciés qui permettent de laisser présumer un conflit, voire un harcèlement. En effet selon le droit du travail, si le salarié ne doit certes pas prouver le harcèlement, il doit au moins apporter des éléments tangibles sur la base desquels l’employeur pourra répondre.

- 2ème temps : l'employeur a réagi aux difficultés de communication que la salariée rencontrait avec le harceleur présumé, de sorte qu'il avait bien tout mis en œuvre pour que le conflit personnel puisse se résoudre au mieux des intérêts de la salariée. Il a notamment :

  • procédé à une nouvelle répartition des tâches afin que les 2 personnes en cause n'aient plus de contacts professionnels.
  • procédé à de nombreux entretiens.
  • proposé une mutation temporaire .
  • mis en place une médiation avec un conseil en relation sociale.
  • saisi le CHSCT et la médecine du travail des difficultés.

- 3ème temps : les juges s’appuient sur les instances "extérieures" à l'employeur, pour en quelque sorte "sur-justifier" leur décision.

  • le CHSCT n'a pas jugé utile de mettre en place d'autres mesures que celles de l’employeur.
  • le médiateur à qui il a été fait appel évoque expressément un syndrome de victimisation de la part de la salariée.

Et la cour d’appel de conclure, on serait tenté de dire,  "logiquement", qu'il n'y a pas de harcèlement moral, et que « le syndrome anxio dépressif constaté médicalement pouvant avoir une autre origine et être dès lors simplement exacerbé par une relation de travail conflictuelle, ce qui n'est pas contesté ».

La Cour de cassation s’est entièrement rangée derrière ce raisonnement.
Si elle n’en affirme pas expressément le principe, c’est à notre connaissance la première fois qu’elle utilise le vocable de l’obligation de moyens.

Cette décision doit être mise en relation avec deux autres arrêts qui témoignent également d’une perte de vitesse de l'obligation de sécurité de résultat (Cass, soc, 28 mai 2014, n°13-12.485, et Cass, soc, 28 mai 2014, n°12-23.363) :

  • Dans le 1er arrêt, la demande d'indemnisation à l'encontre de l'employeur pour l’incident survenu est rejetée parce que l'omission de l'organisation des visites médicales était trop ancienne.
  • Dans le 2nd arrêt, le refus de la demande de résiliation du contrat de travail est jugé légitime parce que l’incident n’était qu’un fait isolé et s'étant produit plusieurs mois auparavant.

Ces arrêts montrent un changement de philosophie, d'autant que le nouveau président de la chambre sociale, dans son discours d’intronisation, a laissé entendre qu’il souhaitait que la Cour de cassation prenne en compte les intérêts de l’entreprise, et rende cohérente la jurisprudence lorsqu’elle souffre de lacunes.

 

Tirer les conséquences de cet arrêt : quelques conseils pratiques :

 

Cette ouverture nous amène à considérer que vous aurez davantage de chances d’être exonéré de responsabilité en matière de sécurité si vous avez bien mis en œuvre tous les moyens qui étaient à votre disposition pour éviter l’accident.

Les points suivants  semblent ainsi importants :

  • Respectez et faites respecter les règles d’hygiènes et de sécurité. Pensez à consulter les documents élaborés par l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention au travail) qui détaillent comment analyser les risques et quels types de préventions sont envisageables. Tout dépend bien évidemment de l’activité de votre entreprise et du métier de votre salarié. Il semble par ailleurs légitime de sanctionner un salarié qui ne respecterait pas les règles d’hygiène et de sécurité instituées au sein de l’entreprise.
  • Associez le CHSCT ou les délégués du personnel, voire, pour les plus petites entreprises qui ne disposent pas de représentation salariale, la collectivité des salariés.
  • Faîtes vous assister dans votre mission. Vous avez en effet l’obligation de nommer un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de votre entreprise. A défaut de pouvoir nommer un salarié sur un tel poste, vous pouvez faire appel à un intervenant en prévention des risques professionnels (externe ou interne au service de santé au travail), ou encore, faire appel aux services de prévention des caisses de sécurité sociale (CARSAT).
  • Elaborez une procédure de gestion de crise pour coordonner les équipes.

 

Par ailleurs, en cas de conflit entre salariés ou de soupçons de harcèlement moral, tentez de réagir au plus vite en prenant le soin de réaliser une enquête auprès de toutes les personnes impliquées pour éclaircir la situation, et essayez de trouver une solution de sortie de crise. Cette solution peut passer par une mutation, un changement de rattachement hiérarchique, une sanction (si elle est justifiée bien évidement)…

Ce qui compte, c’est de réagir, de montrer que vous occupez le terrain. Ce sont ces éléments qui seront pris en considération par les juges en cas de litige.

[1] Cass, soc, 3 décembre 2014, n°13-18743

 

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Sofia El Allaki
Ecrit par Sofia El Allaki

Diplômée d'un Master II en Droit des affaires de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Sofia a travaillé en cabinet d'avocats et en Maison d'édition juridique. Après avoir développé sa plume et ses compétences en édito, elle rejoint une agence de production de contenus parisienne en tant que Content manager senior, puis Account manager director. Aujourd'hui, elle est responsable contenu.

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