Vous êtes professionnel et vous faites face à un contentieux ? Vous doutez de la solvabilité de votre débiteur ? Vous voulez vous assurer qu’il aura bien les moyens de vous payer ?
Il n’est en effet pas toujours possible de régler à l'amiable votre différend et vous allez parfois devoir avoir recours à des procédures judiciaires afin de sécuriser votre créance avant la mise en œuvre d’un procès. Les mesures conservatoires représentent le mécanisme idéal puisqu’elles permettent d’assurer la protection du patrimoine du débiteur afin de vous assurer un remboursement de vos dettes.
Mais alors dans quel contexte pouvez-vous mettre en œuvre des mesures conservatoires ? Quelle est leur nature ? Comment les déclencher ? Quels sont les différents avantages liés à ces mesures ? Et pourquoi est-il indispensable de se faire accompagner par un avocat ?
Me Matthieu Chauveau, avocat spécialisé dans le domaine du contentieux, décrypte pour vous le sujet des mesures conservatoires.
Les mesures conservatoires : le contexte
Les mesures conservatoires vont être mises en œuvre lorsque vous vous trouvez dans une situation de conflit avec votre débiteur et que vous ne parvenez pas à trouver un terrain d’entente. C’est le cas par exemple lorsqu’un de vos fournisseurs refuse de vous régler sa dette : vous détenez donc à son égard une créance dont vous allez pouvoir réclamer le paiement. Si vous allez nécessairement chercher à récupérer ce qu’il vous doit en tentant tout d’abord de régler cette situation à l'amiable, cela n’est malheureusement pas toujours possible. Vous allez ainsi devoir emprunter la voie contentieuse afin de récupérer votre dû puisque vous ne pouvez, vous-même, forcer votre débiteur à vous rembourser.
Toutefois, avant de vous lancer dans une procédure judiciaire, je vous conseille vivement de bien sécuriser votre créance en mettant en œuvre une mesure conservatoire. En effet, et comme son nom l’indique, ces mesures vont permettre de « conserver » un bien ou un droit du débiteur (comme une somme d’argent par exemple ou encore un bien mobilier) en attendant qu’une décision définitive soit prise par le juge en parallèle. En d’autres termes, ces mesures vont permettre de « mettre à l'abri » les biens de votre débiteur afin que ce dernier soit toujours en capacité de vous payer à l’issue du procès. L’objectif est donc de se prémunir contre l’apparition d’une potentielle insolvabilité puisqu’il n’est en effet pas rare qu’une longue période s’écoule entre le début de la procédure et l’épuisement des voies de recours. Il est donc primordial de s’assurer que le débiteur ne se sépare pas d’un bien ou d’un droit qui vous serait favorable et qui faciliterait votre remboursement.
La mise en œuvre des mesures conservatoires
Pour qu’une mesure conservatoire puisse être mise en œuvre, il sera nécessaire de remplir deux conditions cumulatives. Premièrement, la créance doit être fondée dans son principe c’est-à-dire qu’elle doit exister. Toutefois, cette dernière n’a pas à être certaine, liquide et exigible ce qui veut dire que la créance n’a pas à être chiffrée précisément et n’a pas à être accompagnée d’un jugement de condamnation.
Deuxièmement, il faut qu’il existe des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance. C’est le cas par exemple si votre débiteur est dans une mauvaise situation financière et que vous craignez qu’il ne soit pas en capacité de rembourser ses dettes du fait d’un éventuel dépôt de bilan. Pour cela vous allez devoir apporter des preuves permettant de caractériser l’existence d’un péril et il revient au juge d’apprécier la gravité de la menace. Notez toutefois que le simple refus du débiteur de payer n’est pas suffisant pour caractériser un péril suffisant. Il faut vraiment parvenir à caractériser une situation d’urgence portant atteinte à la sauvegarde des droits du créancier.
Si ces conditions sont remplies il sera alors possible pour le créancier de demander l’adoption d’une mesure conservatoire alors même qu’il n’est pas détenteur d’un titre exécutoire. En effet, pour mettre en œuvre une mesure conservatoire, sachez que vous n’avez pas nécessairement à détenir un titre exécutoire, c’est-à-dire un acte juridique permettant d’obtenir l’exécution forcée d’une créance. On pense notamment aux décisions judiciaires ou administratives ou encore aux actes notariés.
Ainsi, une mesure conservatoire va, en principe, être mise en œuvre suite à la délivrance d’une autorisation judiciaire préalable. Autrement dit, le juge de l’exécution va rendre une ordonnance au sein de laquelle il précise le montant des sommes ainsi que les biens visés par la mesure.
Il existe également des hypothèses particulières au sein desquelles, le créancier n’a pas à rapporter une autorisation judiciaire préalable pour mettre en œuvre une mesure conservatoire. C’est notamment le cas lorsqu’il :
- est détenteur d’un titre exécutoire ;
- détient une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire ;
- est détenteur d’un loyer impayé ;
- est porteur d’une lettre de change, d’un billet à ordre ou bien d’un chèque.
Les différentes mesures conservatoires
Il existe deux sortes de mesures bien différentes dont il faut maîtriser les subtilités : la saisie conservatoire et la sûreté judiciaire.
Concernant la saisie conservatoire, ce mécanisme est applicable aussi bien aux biens mobiliers, corporels ou incorporels et vise à rendre indisponible un élément du patrimoine du débiteur. Vous allez ainsi pouvoir immobiliser :
- des biens meubles corporels comme des véhicules ou des marchandises qui seront alors placés sous-main de justice ce qui empêche le débiteur de les vendre ;
- des créances : il s’agit d’une saisie très pratiquée qui va offrir au créancier la possibilité de conserver une créance entre les mains d’une personne tierce comme une banque par exemple ;
- des droits d’associés ou des valeurs mobilières.
Il existe cependant des biens ne pouvant pas faire l’objet d’une saisie comme par exemple les denrées alimentaires, le linge de maison, les revenus du travail ou encore la literie.
Dès lors que les conditions précitées sont remplies, l’intervention de l’huissier de justice rend le bien indisponible immédiatement sans qu’il soit nécessaire de devoir recourir à une autre forme d’avertissement.
Enfin, dans l’hypothèse où le débiteur ne procède pas au remboursement attendu dans le délai donné par l’huissier, il aura alors un mois pour organiser lui-même la vente des biens saisis. Dans l’hypothèse où le débiteur échoue, la procédure de vente forcée des biens ayant fait l’objet de la saisie sera alors mise en œuvre.
Concernant les sûretés judiciaires : il s’agit de garanties offrant au créancier un droit sur la valeur du bien ou de la créance grevée. Une sûreté judiciaire peut être mise en œuvre sur :
- les immeubles ;
- les fonds de commerce ;
- les parts sociales ;
- ainsi que les valeurs mobilières.
Les modalités de mise en œuvre des mesures conservatoires
La mise en œuvre d’une mesure conservatoire se fait par voie de requête ce qui permet de conserver l’effet de surprise lié à la procédure. En effet, le débiteur ne sera mis au courant de la procédure que lorsque les effets de la mesure conservatoire se réaliseront. Mais alors, comment mettre en œuvre une telle mesure ?
Le juge va délivrer une ordonnance et le créancier aura alors trois mois à compter de la délivrance de l’ordonnance pour faire exécuter la mesure sous peine de caducité. Le créancier qui n’exécute pas l’ordonnance dans le délai de trois mois a toutefois la possibilité de former une nouvelle demande.
Pour mettre en œuvre une mesure conservatoire, il sera nécessaire de mandater un huissier de justice qui aura pour mission de faire appliquer la mesure conservatoire directement sur le patrimoine du débiteur.
Il existe deux issues possibles :
- Si le juge accepte la demande du créancier dans le cadre du procès, la mesure conservatoire sera alors transformée en mesure définitive.
- Si le juge n’accède pas à la demande alors la mesure conservatoire sera annulée. Dans cette dernière hypothèse, le créancier a la faculté de faire appel dans les quinze jours suivants la date de l’ordonnance.
Il est tout à fait permis de contester une mesure conservatoire en utilisant deux voies :
- La voie de l’appel : il est possible de faire appel d’une ordonnance mettant en œuvre une mesure conservatoire.
- La voie de rétractation : le juge peut tout à fait modifier ou rétracter sa propre ordonnance car il peut tenir compte de faits nouveaux.
Les contestations vont porter soit sur le bien-fondé de la mesure ou soit sur l’exécution même de la mesure. Dans l’hypothèse relative au bien-fondé de la mesure, trois voies vont permettre de remettre en cause la mesure :
- la mainlevée de la mesure ;
- la rétractation de l’ordonnance ;
- la substitution de la mesure.
Les avantages des mesures conservatoires
Il existe différents avantages à mettre en œuvre une mesure conservatoire et l’un de ses avantages est lié au caractère préventif des mesures qui permet au créancier de s’assurer que le débiteur ne puisse se rendre volontairement insolvable ce qui lui permettrait de bénéficier des procédures civiles d’exécution.
En outre, les mesures conservatoires vont avoir un effet de « surprise » indéniable. En effet, dès lors que l’huissier de justice sera intervenu, l’indisponibilité est immédiate sans qu’il soit nécessaire de mettre en œuvre un autre avertissement.
L’importance de se faire accompagner par un avocat
SI vous faites face à cette situation, sachez qu’il est absolument indispensable de se faire accompagner par un avocat spécialisé en contentieux. Comme vous l’avez compris, si vous ne pensez pas à sécuriser en amont le patrimoine du débiteur vous pouvez éventuellement avoir une mauvaise surprise à l’issue du procès.
Un avocat sera le professionnel le plus à même de vous assister et vous conseiller dans la mise en œuvre d’une mesure conservatoire, mesure indispensable à la sauvegarde de vos droits. Un avocat pourra vous représenter dans la procédure, interagir directement avec les différentes parties, s’occuper des différentes démarches devant les tribunaux et s’assurer du respect des délais impartis.