Après la réforme du Code de travail, celle de l’assurance-chômage devrait être le second chantier qu’abordera le gouvernement en place. En effet, comme vous le savez, lors de la dernière campagne pour l’élection présidentielle, le candidat Emmanuel Macron annonçait dans son programme qu’une fois au pouvoir, il ouvrirait aux salariés démissionnaires, les droits à l’assurance-chômage. Une proposition qui a suscité, comme on pouvait s’y attendre, beaucoup de réactions de la part de ses opposants.
Malgré l’effort de ces derniers pour montrer qu’une telle réforme ne pourrait être mise en œuvre, il semblerait bien que le gouvernement soit prêt. Selon les explications en juin dernier du Premier ministre Edouard Philippe, cette réforme s’ouvrira en septembre. Dans le présent article, nous revenons sur les grandes lignes de ce projet.
La législation actuelle permet à un démissionnaire de toucher une assurance-chômage dans certains cas dits de « démissions légitimes ». En effet, la loi liste quelques cas de démissions — démission d’un mineur ou pour violences conjugales, retard de salaire, déménagement pour suivi de conjoint, démission d’un emploi aidé, mariage ou Pacs... — où l’assurance-chômage pourrait être accordée au salarié qui démissionne. Hormis ces cas, un salarié qui choisit de quitter son travail ne peut pas bénéficier d’une allocation chômage.
À travers son projet qui vise à instaurer «une assurance-chômage universelle», Emmanuel Macron tient à ouvrir l’assurance-chômage aux « salariés démissionnaires et [aux] indépendants ». Selon Muriel Pénicaud, actuelle ministre du Travail, le but est de permettre à ces démissionnaires de disposer d’une « ressource financière minimale » en cas de non-activité. Toutefois, le gouvernement prévoit que ces nouveaux bénéficiaires ne pourront jouir de ce droit qu’une fois tous les cinq ans. L’objectif de cette limitation est d’éviter les abus.
Autres mesures de cette réforme
Le président de la République ne compte pas toucher la durée et le montant de l’indemnisation chômage. En effet, la durée dépendra toujours de celle durant laquelle le bénéficiaire a cotisé : deux ans pour les travailleurs ayant moins de cinquante ans à la fin de leur contrat de travail, et 36 mois pour les travailleurs âgés de cinquante ans et plus.
Rappelons ici qu'en ce qui concerne la détermination du montant de l’allocation, la règle de calcul avait été revue début mai 2017, juste avant l’élection d’Emmanuel Macron. La nouvelle règle durcissait surtout l’indemnisation des chômeurs ayant cinquante ans et plus.
L’autre point sur lequel Emmanuel Macron a mis l’accent est le contrôle des chômeurs. En effet, le président de la République prévoit dans son programme que « si plus de deux emplois décents, selon des critères de salaire et de qualification, sont refusés ou que l’intensité de la recherche d’emploi est insuffisante, alors les allocations seront suspendues. » En réalité, il s’agit d’une mesure déjà prévue par la législation actuelle. Le « refus à deux reprises sans motif légitime une offre raisonnable d’emploi » par un demandeur d’emploi peut entrainer la radiation de ce dernier du Pôle Emploi. Mais cette mesure est restée inappliquée à ce jour. Si la réforme arrivait donc à aboutir, les démissionnaires seraient contraints chaque mois, de rendre compte de leurs différentes démarches de recherche.
Par ailleurs, conscient que ce renforcement de contrôle au niveau du Pôle Emploi nécessitera plus de main-d’œuvre, Emmanuel Macron prévoit d'augmenter le nombre de conseillers qui se chargent dudit contrôle au niveau de la structure. Selon diverses sources, le nombre de ces conseillers devrait passer de 200 actuellement à 1000.
Coût et financement de cette réforme
Selon les estimations effectuées par l’Institut Montaigne, un think tank libéral, en considérant un scénario médian, l’extension aux salariés démissionnaires et aux indépendants de l’assurance-chômage pourrait coûter par an, 4,8 milliards d’euros. En ce qui concerne le financement, il se fera par l’impôt (du moins d'après ce qu’ont annoncé Edouard Philippe et Muriel Pénicaud lors d’une conférence de presse commune, en juin dernier). A priori, c’est la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) qui servirait à financer la réforme (Il s'agit d'une nouveauté étant donné que les allocations chômage, à l’heure actuelle, sont financées par les cotisations prélevées sur les salaires bruts — 2,4 % pour la part salariale et 4 % pour la part employeur — et non l’impôt).
Effets de cette réforme
Avec l’extension de l’assurance-chômage aux salariés démissionnaires, le gouvernement souhaite favoriser la mobilité professionnelle. Mais ceci risque également ne pas être aussi intéressant que prévu dans certaines situations.
En effet, avec la législation actuelle, quand un salarié décide de démissionner, il essaie parfois d’obtenir une rupture conventionnelle en vue de bénéficier des indemnités que la loi prévoit. Dans certaines situations, le montant de cette indemnisation au profit du salarié peut être élevé. Mais si la réforme venait à être mise en œuvre, les employeurs pourraient se montrer plus durs pendant les négociations, sachant que le salarié bénéficierait de toutes façons de l’assurance-chômage.
En conclusion, retenons que le projet d’extension de l’assurance-chômage vise à soutenir financièrement les salariés démissionnaires pour une durée déterminée. Le gouvernement entend se servir de l’impôt pour son financement. Il compte aussi mettre en place des garde-fous afin d’éviter qu’un salarié n’abuse de la réforme. La réforme peut être bénéfique aussi bien aux salariés démissionnaires qu’aux employeurs mais seule sa mise en place révèlera son intérêt ou son dévoiement.
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