Parallèlement aux dispositions du code du travail, les chefs d’entreprises ont la possibilité de conclure des accords d’entreprise afin de définir certaines garanties sociales et conditions de travail devant s’appliquer plus spécifiquement aux salariés de leur entreprise. La négociation d'un accord d'entreprise doit être organisée avec des délégués syndicaux ou avec des représentants de personnels mandatés par une organisation syndicale. Ceci dit, la loi donne le droit à certaines organisations syndicales de s’opposer aux accords d’entreprise dans certains cas.
En quoi consiste ce droit d’opposition ? Qui peut l’exercer ? De quelle manière peut-il être exercé ? Nous répondons dans cet article à ces diverses questions.
Droit d’opposition à un accord collectif : en quoi consiste-t-il ?
Avant l’arrivée de la loi Travail, les accords d’entreprises devraient remplir deux conditions pour être valables :
- être signés par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles ;
- ne pas faire objet d’opposition de la part des syndicats représentatifs ayant recueillis la majorité des suffrages exprimés aux élections professionnelles.
Il apparaît donc clairement que la loi donne la possibilité aux syndicats représentatifs de s’opposer aux accords collectifs. Mais notons que ce droit d’opposition ne peut être exercé que par des syndicats n’ayant pas signé l’accord.
La procédure d'opposition
En ce qui concerne la procédure à suivre pour faire valoir le droit d’opposition, le code du travail qu'un syndicat qui souhaite s’opposer à l’entrée en vigueur d’un accord d’entreprise doit l’exprimer par écrit. Il doit préciser dans sa déclaration les raisons qui expliquent son opposition. Par ailleurs l’article précise que l’opposition doit obligatoirement être adressée à toutes les parties signataires de l’accord en question.
En ce qui concerne le délai à observer, la loi prévoit que le syndicat s’opposant à un accord d’entreprise doit notifier son opposition dans un délai de huit jours. Ce délai court à compter de la date où l’accord été notifié aux différentes organisations syndicales.
Pour vérifier si ce délai a été respecté par un syndicat, faut-il prendre en compte la date où l’opposition a été émis ou celle à laquelle elle a été reçue par les signataires ? Le code de travail n’ayant pas répondu à cette question, c’est la jurisprudence qui a dû combler cette lacune.
Droit d’opposition : la validation dépend du jour de réception de la déclaration
La réponse à la question précédemment posée a été apportée par une décision de justice de la plus haute juridiction française, le 10 janvier 2017 par la chambre sociale, dans l’affaire opposant la CFDT aux syndicats SUD et FO. Selon cet arrêt, l’opposition, pour être valable, doit être reçue par les signataires de l’accord avant l’expiration des huit jours.
En effet, dans cette affaire, un accord d’entreprise portant sur les conditions de travail avait été signé le 10 février 2014 par la CFDT et la CGT, deux organisations syndicales de l’EPIC Tisseo. Par un courrier du 11 février 2014, l’accord a été notifié aux organisations syndicales représentatives. Les deux syndicats SUD et FO, remplissant à eux deux les conditions pour s’opposer à un accord du genre, avaient décidé de faire valoir leur droit d’opposition.
Alors que le syndicat Sud – premier syndicat minoritaire - avait envoyé son courrier d’opposition le 14 février, courrier qui a été reçu le 17, celui de FO – deuxième syndicat devant rendre l’opposition majoritaire – adressé le 18 février, ne sera reçu que le 20 février. La CFDT a donc remis en cause l’opposition des deux syndicats au motif que le courrier de FO a été reçu après huit jours.
La juridiction de premier degré compétente avait donc été saisie en référé pour faire appliquer l’accord. En appel, les juges avaient estimé que le délai légal de huit s’interrompait à la date d’émission du courrier et que, par conséquent, ce délai était bien respecté en l’espèce.
Insatisfait de ce verdict, la CFDT a souhaité voir cette solution réexaminée par la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, la Cour de cassation. Ici, les juges vont lui donner raison, estimant que "pour être recevable, l’opposition des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles doit être reçue par l’organisation signataire avant l’expiration de ce délai".
Droit d’opposition : un droit sur le déclin ?
Le droit d’opposition tend à disparaître. En effet, la loi Travail modifiant les conditions de validité des accords d’entreprise a remplacé ce droit par le principe de l’accord majoritaire.
Le principe de l'accord majoritaire
En vertu de ce principe, la validité d'un accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à sa signature par, d'une part, l'employeur ou son représentant et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles. Le principe est déjà en vigueur depuis le 1er janvier 2017. Mais pour l’instant, il ne porte que sur les accords relatifs au développement et à la préservation dans l’emploi, ainsi que sur ceux relatifs à la durée du travail, aux repos et aux congés. Le principe sera totalement étendu aux autres domaines à partir du 1er septembre 2019.
- Pour faire valoir son droit d’opposition, un syndicat doit adresser son courrier d’opposition dans les huit jours suivants la notification de la signature de l’accord.
- Le courrier doit contenir explicitement les motifs d’opposition et être adressé à tous les signataires de l’accord.
- Les motifs d'opposition doivent recevoir le courrier avant l’expiration des huit jours. Autrement, l’opposition ne sera pas valable.