Le portage salarial est un mode de travail permettant à des professionnels d’exercer leur activité sans créer d’entreprise, mais en conservant les avantages d’un salarié. Apparu il y a quelques décennies déjà, il connait un véritable essor depuis les années 2000. Mais malgré cet engouement il est demeuré longtemps sans réelle réglementation.
Après une série de textes — en 2008, 2010 et 2013 — une ordonnance a été prise en 2015, suivie d’un décret d’application. Cela constituait un pas important, dans la reconnaissance de ce mode de travail comme étant une nouvelle forme d’emploi.
En 2016, le gouvernement a manifesté son désir d’organiser davantage cette nouvelle forme d’emploi. Le ministère de travail se prononça en faveur de la mise en place d’une branche professionnelle entièrement dédiée au secteur du portage salarial.
Après quatre mois de négociation — décembre 2016 à mars 2017 — entre les organisations patronales (PEPS) et les cinq syndicats de travailleurs (PEPS, CFE-CGC, CFDT, CFTC, FO, CGT), une convention collective a été signée. Elle sera officialisée par un arrêté du 28 avril 2017 publié au Journal Officiel.
Quels sont les changements apportés par cette convention collective ? Nous faisons le point dans le présent article.
Élargissement des conditions de recours au portage salarial
Alors qu’il était essentiellement réservé aux cadres, le portage salarial est à présent élargi à d’autres profils de travailleurs. Selon les prescriptions de la convention collective, pour se faire porter aujourd’hui par une entreprise de portage, il suffit de posséder une qualification de niveau III, c’est-à-dire avoir au minimum un BAC +2, ou justifier de trois années d’expérience dans un même secteur d’activité, avec une « expertise particulière ». Dans ce dernier cas, l’entreprise de portage vérifie la réalité de l’expérience.
Par ailleurs, il faut noter que l’autonomie professionnelle du salarié porté et sa liberté demeurent des critères très déterminants dans l’accès à une activité en portage salarial. La convention apporte une clarification à cette notion d’autonomie. L’autonomie du salarié porté se traduit en effet par « l’aptitude à démarcher les entreprises clientes de son choix, de définir avec elles le cadre et l’étendue de la prestation, de convenir avec elles du prix, de décider lui-même de l’organisation de son emploi du temps pour la réalisation de ses prestations, de répartir ses tâches en organisant ses temps de travail et de repos ».
La classification des salariés portés
Du point de vue de la classification, la convention collective sur le portage salarial apporte également de nouvelles notions. Désormais, on distingue 3 catégories de salariés : salarié porté junior, sénior et salarié porté au forfait jour
Le salarié porté junior est celui qui ne dispose pas encore de 3 ans d’ancienneté dans l’activité en portage salarial. La convention prévoit qu’un tel salarié doit être classé soit sous le statut de « technicien, agents de maîtrise », soit sous celui de « cadre ».
Pour ce qui est du salarié porté senior, il s’agit de celui remplissant le critère des 3 ans dans l’activité en portage salarial. Il relève, lui, de la catégorie des « cadres ».
Quant au salarié porté au forfait jour, la convention dispose qu’il est classé dans la catégorie des « cadres », peu importe l’ancienneté dont il dispose dans l’activité en portage salarial.
Les règles de rémunération prévues par la convention collective
La convention collective prévoit également les règles de rémunération de l’activité du portage salarial. Selon ses dispositions, après déduction des frais de gestion, le restant du prix de base de la prestation hors taxes doit servir au paiement de la rémunération du salarié, ses diverses cotisations, ses indemnités de congés payés et de fin de contrat CDD, ainsi que ses charges sociales et fiscales.
Conformément aux dispositions de l’alinéa 3 de l’article 21 de la convention collective, le revenu minimum applicable comprend un salaire mensuel de base et une réserve financière.
Le salaire mensuel de base doit être au minimum égal à :
- 70 % du plafond sécurité sociale pour un salarié porté junior (soit 2 288 euros en octobre 2017) ;
- 75 % du plafond sécurité sociale pour un salarié porté sénior (soit 2 452 en octobre 2017) ;
- 85 % du plafond sécurité sociale pour un salarié porté en forfait jour (soit 2779 euros en octobre 2017).
Quant à la réserve financière, elle représente le montant de l’indemnité de précarité pour les salariés en CDD. Pour les CDI, cette réserve correspond 10 % du salaire de base de la dernière mission.
Des mesures de sécurisation
La convention collective consacre différentes mesures de sécurisation de l’activité en portage. C’est le cas par exemple de l’entretien professionnel instauré par l’alinéa 2 de l’article 31. Aussi, elle met l’accent sur la formation professionnelle et l’accompagnement du salarié porté dans la réalisation de son projet professionnel.
Avant cet accompagnement dépendait souvent de la taille de la société de portage. Mais la convention prévoit à présent, pour toutes les entreprises, peu importe leur taille, une contribution fixée à 1,6 % de la masse salariale, consacrée à l’effort de formation. Dans cette 1,6 % de contribution, le texte affecte 0,3 % à un fonds de mutualisation visant à sécuriser les parcours des portés
Par ailleurs, il faut noter que la réserve financière évoquée dans le précédent paragraphe entre également dans les mesures de sécurisation. Il s’agit en effet d’une réserve qui sera utilisée par le salarié en cas d’inactivité. L’objectif est de pallier la baisse substantielle voire l’absence de rémunération et de permettre de sécuriser le développement pendant l’inactivité.
Autres nouveautés apportées par la nouvelle convention collective sur le portage salarial
Notons par ailleurs que la convention a également instauré le dialogue social dans la branche du portage salarial. Elle a en effet mis en place l’OPNC (Observatoire paritaire de la négociation collective) et des commissions paritaires, notamment la CPPNI (Commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation).
Aussi, en ce qui concerne les Instances Représentatives du Personnel, la convention prévoit que les salariés portés sont électeurs et éligibles. L’article 14 dispose en effet « les conditions d’ancienneté sont de 3 mois pour être électeur et de 6 mois pour être éligible ». Il précise que le salarié qui veut voter ou être élu doit, en plus de satisfaire à ces conditions d’ancienneté, effectuer le mois de dépôt des listes, une prestation de portage dans le cadre de son contrat ou avoir eu une fiche de paie.
Pour conclure, notons que la convention collective relative au portage salarial est un texte qui vient, une fois de plus, renforcer la reconnaissance de ce mode de travail dans le paysage français de l’emploi. Elle apporte de nouvelles dispositions qui ouvriront le portage salarial à de nouveaux profils et surtout de nouvelles activités. Des mesures de sécurisation et d’accompagnement sont prises afin de favoriser le développement de l’activité en portage salarial.