L’épidémie de Covid-19 qui sévit depuis presque un an au travers le monde a eu un impact sans précédent sur le fonctionnement de nos entreprises qui peinent, parfois, à maintenir la tête hors de l’eau. La triste conséquence est que nombre d’entre elles n’ont pas réussi à résister et se retrouve aujourd’hui dans un état de très grande détresse.
Si le Gouvernement a mis en place des aides afin de soutenir les entreprises qui font face à des problèmes de trésorerie, comme le PGE (prêt garanti pat l’état), cela n’est pas toujours suffisant. Alors, comment les aider ?
La réponse se trouve dans la mise en œuvre des procédures amiables et collectives. Toutes deux sont des procédures destinées à aider les entreprises à traverser les difficultés qu’elles rencontrent.
Néanmoins, ces procédures, telles qu’on les connait, n’ont pas été pensées par le législateur pour faire face à la crise que nous subissons. Il a donc été nécessaire de les modifier et de les adapter de façon exceptionnelle et temporaire.
Mais alors qu’elles sont les procédures amiables ? Les procédures collectives ? Quelle sont les évolutions qui ont été mis en œuvre afin de faire face à la crise liée à l’épidémie de Covid-19 ? Pourquoi est-il nécessaire de se faire accompagner par un avocat ?
Maître Amélie Robine, avocate spécialisée en droit des affaires et droit pénal des affaires, décrypte le sujet pour vous.
Les procédures amiables : le mandat ad hoc et la conciliation
Avant tout chose, il convient de définir la notion de cessation des paiements qui est une notion essentielle lorsqu’on parle d’entreprises en difficultés. En effet, c’est à l’aune de cette notion qu’on va décider s’il vaut mieux appliquer telle ou telle procédure à l’entreprise.
L’état de cessation des paiements intervient à partir du moment où l’entreprise ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Le passif exigible correspond à l’ensemble des dettes dont le paiement est échu et l’actif disponible correspondant lui à l’actif immédiatement disponible comme la trésorerie ou les réserves légales.
Mais alors à quoi servent les procédures amiables ? Leur objectif est simple : anticiper les difficultés de l’entreprise avant que celles-ci ne deviennent trop graves.
Il existe deux procédures amiables qui sont la procédure de mandat ad hoc et la procédure de conciliation. Ces deux procédures vont être intéressantes notamment car elles permettent d’échelonner les dettes. En effet, l’objectif commun à ces deux procédures est d’obtenir des délais de paiement qui sont en moyenne inférieurs à 48 mois. Il existe toutefois des particularités propres aux deux procédures.
La procédure de mandat ad hoc
Premièrement, cette procédure s’applique alors même que l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements. Dans cette procédure, le dirigeant d’entreprise va pouvoir demander au Tribunal de commerce qu’il nomme un mandataire ad hoc qui va avoir pour mission de vous aider à trouver un accord avec vos principaux créanciers. Il s’agit donc ici d’aider le dirigeant dans le processus de négociation. Sachez que dans le cadre d’une procédure ad hoc, le dirigeant reste à la tête de la gestion quotidienne de l’entreprise, le mandataire n’ayant pas le pouvoir de la gérer pour lui.
Cette procédure est souvent mise en œuvre comme une étape précédent la procédure de conciliation. En cas d’échec, le dirigeant va pouvoir se tourner vers une autre procédure.
La procédure de conciliation
Cette procédure peut s’appliquer dans deux situations :
- lorsque vous n’êtes pas encore en état de cessation des paiements ;
- ou lorsque vous êtes en état de cessation mais depuis moins de 45 jours.
L’entreprise rencontre donc une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible. Le chef d’entreprise peut demander, auprès du Tribunal de commerce, la nomination d’un conciliateur. Ce dernier aura pour mission d’aider le chef d’entreprise à conclure un accord amiable avec les principaux créanciers qui aura pour finalité que soit mis fin aux difficultés rencontrées par l’entreprise.
Notez que l’ouverture d’une procédure de conciliation n’a pas pour effet de suspendre les poursuites par les créanciers qui peuvent agir en justice pour demander le paiement de leurs créances.
Les procédures collectives
Si les difficultés rencontrées par l’entreprises sont trop importantes, il faudra recourir à l’ouverture d’une procédure collective. Ces dernières cherchent à allier d’une part, les intérêts des créanciers de l’entreprise et d’autre part, ceux de l’entreprise en maintenant l’activité afin de protéger l’emploi.
Il existe trois formes de procédures collectives :
Ces procédures d’adressent aussi bien aux entreprises commerciales, artisanales, libérales ou agricoles (personne morale et personne physique) ainsi qu’aux associations et micro-entrepreneurs. Chacune des procédures est adaptée en fonction de la nature ainsi que de la gravité de la situation.
Pour ouvrir l’une ou l’autre de ces procédures, il faudra nécessairement un jugement d’ouverture. Suite à ce jugement, le tribunal va nommer les organes de la procédure qui sont :
- l’administrateur judiciaire: il est en charge d’assister mais également de surveiller le dirigeant de l’entreprise ;
- le mandataire judiciaire (qui sera un liquidateur dans le cadre d’une procédure de liquidation) : qui va lui agir dans l’intérêt de créanciers uniquement ;
- le juge-commissaire.
Le jugement d’ouverture va alors avoir plusieurs effets puisque :
- les poursuites individuelles seront suspendues ;
- il ne sera plus possible de payer les créanciers qui ont une créance antérieure au jugement d’ouverture ;
- les intérêts sont arrêtés ;
- on va déterminer la période suspecte ;
- les créanciers vont devoir déclarer leurs créances.
En outre, il sera ouvert une période d’observation qui a pour objectif d’évaluer le plus précisément possible la situation économique et sociale de l’entreprise mais également de rédiger un inventaire du patrimoine du débiteur. Lors de cette période d’observation, qui peut durer au maximum 18 mois, des mesures seront mises en œuvre afin d‘assurer la survie de l’entreprise.
Mais quelles sont les particularités de chacune de ces procédures ?
La procédure de sauvegarde judiciaire
Cette procédure sera mise en œuvre dès lors que l’entreprise connait des difficultés insurmontables mais n’est pas pour autant en état de cessation des paiements.
L’objectif de cette procédure est tout d’abord de procéder à une réorganisation de l’entreprise, via l’élaboration d’un plan de sauvegarde, dans le but qu’elle puisse continuer son activité économique, qu’elle soit en capacité de maintenir ses emplois et d‘apurer son passif.
Sachez que cette procédure n’est pas confidentielle et qu’en fonction de son résultat, elle peut déboucher sur :
- l’élaboration d’un plan de sauvegarde ;
- la conversion en une procédure de redressement ou bien de liquidation ;
- la clôture de la procédure si on parvient à mettre fin à l’ensemble des difficultés durant la période d’observation.
La procédure de redressement judiciaire
Dans cette procédure, a l’inverse de la procédure de sauvegarde, l’entreprise est en état de cessation des paiements. Toutefois, la situation de l’entreprise n’est pas irrémédiablement compromise.
La procédure peut être ouverte soit :
- par le chef d’entreprise (dans un délai de maximum 45 jours suivant la date de cessation des paiements) ;
- d’un créancier ;
- du procureur de la République.
L’objectif de cette procédure est de définir un plan de continuation ou de cession de l’entreprise. Pendant la période d’observation s’il est évident que l’entreprise n’est pas en capacité de s’en sortir, le juge peut convertir la procédure en liquidation judiciaire.
La procédure de liquidation judiciaire
Si aucune de ces procédures, et notamment la procédure de redressement, n’est pas applicable car les difficultés rencontrées par l’entreprise sont trop importantes, il faudra alors se tourner vers la procédure de liquidation judiciaire. Cette procédure peut être ouverte lorsque la situation de l’entreprise s’avère en réalité être irrémédiablement compromise. Le dirigeant de l’entreprise est totalement dessaisi et les biens de l’entreprises sont liquidés afin de procéder au paiement des créanciers.
Covid-19 et procédures collectives
Suite à une loi en date du 23 mars 2020, le gouvernement français a instauré un état d’urgence sanitaire et aménagé les règles applicables aux procédures collectives afin de venir en aide aux entreprises. Plusieurs ordonnances en date des 27 mars, 20 mai et, 25 novembre 2020 sont venues compléter cette loi. En outre, l’article 124 de la loi du 7 décembre 2020, dite loi « ASAP », vient allonger l’application des articles 1er à 6 de l’Ordonnance du 20 mai 2020 jusqu’au 31 décembre 2021.
Mais alors, quelles sont ces nouvelles mesures qui viennent adapter, de façon temporaire, le droit des entreprises en difficultés ?
Une information anticipée du président du tribunal
En principe, le commissaire aux comptes doit alerter les dirigeants d’une entreprise dès lors qu’il relève des éléments pouvant mettre en péril la continuité de l’entreprise. Si malgré cet avertissement, il se rend compte que les décisions prises par le dirigeant ne permettent pas une amélioration de la situation de l’entreprise, il peut alors alerter le président du tribunal compétent.
L’article 1er de l’Ordonnance du 20 mai 2020 a donné pouvoir au commissaire aux comptes de lancer l’alerte auprès du président du tribunal compétent, après avoir informé le dirigeant, dès lors qu’il estime que « l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates et que le dirigeant s’y refuse ou propose des mesures que le commissaire aux comptes estime insuffisantes ». Il n’est donc plus tenu d’attendre la réponse du dirigeant.
Des adaptations nécessaires des différentes procédures collectives
Concernant les procédures de sauvegarde et de redressement, plusieurs mesures ont été mises en place. Premièrement, la durée des plans a été allongée. En effet, les plans de sauvegarde et de redressement sont, en principe, de 10 ans au maximum.
Désormais, et suite à une demande formulée soit par le commissaire à l’exécution du plan soit par le ministère public, le tribunal peut décider de prolonger la durée du plan de sauvegarde ou de redressement pour une durée ne pouvant pas excéder deux ans (ce qui porte donc la durée maximale du plan à 12 ans et 17 ans lorsque le débiteur a une activité agricole).
Deuxièmement, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée est aussi facilitée du fait de la suppression des conditions de seuils.
Troisièmement, notez qu’a été créé un privilège de sauvegarde ou de redressement, privilège pouvant être accordé pour tut financement qui a été accordé soit lors de la phase d’observation de l’entreprise soit en cours d’exécution du plan.
Enfin, et concernant cette fois la procédure de liquidation, sachez que les conditions permettant d’accéder à la liquidation judiciaire dite « simplifiée » ont été élargies. Désormais toute personne physique qui ne détient pas de biens immobiliers dans son patrimoine et dont la valeur de l’actif est inférieure à 15 000 euros peuvent accéder à cette procédure.
Une incitation à la procédure de conciliation
Par principe, la procédure de conciliation ne peut être supérieure à 5 mois (après prolongation). Les nouvelles mesures permettent cependant d’étendre la procédure de conciliation jusqu’à 10 mois, sur demande du conciliateur. L’objectif majeur bien de permettre la mise en œuvre d’une solution préventive à l’apparition de difficultés liées à la crise sanitaire.
En outre, l’article 2 de l’Ordonnance du 20 mai 2020 offre la possibilité au débiteur faisant face à un créancier qui refuse de suspendre l’exigibilité de sa créance de saisir le président du tribunal afin qu’il ordonne :
- l’interdiction des actions en justice ayant pour objet la condamnation au paiement ou la résolution d’un contrat pour défaut de paiement ;
- l’interdiction d’une procédure d’exécution sur des meubles ou immeubles ;
- le report ou l’échelonnement des sommes due.
Le raccourcissement du délai de consultation des créanciers
Dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, les créanciers ayant déclaré une créance au passif peuvent être consultés dès lors que débiteur a présenté un plan de continuation. Ils ont également la possibilité de répondre à cette consultation dans un délai de trente jours afin de faire connaitre leurs arguments. Ce délai a été réduit de moitié puisqu’il est passé à seulement quinze jours afin de permettre une adoption plus rapide des plans de sauvegarde et de redressement.
En outre, les consultations des créanciers n’ont plus forcément à être faites via lettre recommandé avec accusé de réception mais peuvent désormais être réalisées « par tout moyen » ce qui a pour conséquence d’alléger les formalités de consultation.
Pourquoi se faire accompagner par un avocat
Les procédures collectives sont aujourd’hui mal perçues, craintes voire trop peu connues par les dirigeants d’entreprises et c’est malheureux … car elles fonctionnent ! Toutefois, pour obtenir le résultat le plus optimal possible, il est nécessaire d’anticiper les difficultés et de bien préparer la procédure.
Enfin, n’attendez pas que votre entreprise rencontre des difficultés insurmontables. Il est impératif de bien évaluer la nature te la gravité de la situation, évaluation qui peut être réalisée avec l’aide d’un avocat.
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