L’un des objectifs des cinq Ordonnances Macron publiées le 23 septembre 2017 et de leurs imminents décrets d’application est de favoriser l’embauche de salariés par la TPE et PME au moyen d’un assouplissement des règles de licenciement (en particulier de sa motivation), de la création d’un barème obligatoire d’indemnisation en cas de licenciement abusif, le raccourcissement du délai de contestation du licenciement et l’encouragement de la conciliation prud’homale. En contrepartie de ces mesures plutôt favorables aux employeurs, le Gouvernement Macron a souhaité assouplir les conditions d’ancienneté et revaloriser l’indemnité légale de licenciement. L’équilibre recherché serait-il atteint ? La réponse n’est pas évidente.
La lettre de licenciement : quelles sont les nouveautés quant à son contenu ?
L’objectif du Gouvernement Macron est de sécuriser la procédure de licenciement, faciliter la rédaction de la lettre de licenciement et d’alléger les sanctions en cas d’irrégularité.
Afin de réduire le risque d’erreurs de l’employeur et le risque de contestation du salarié, le Code du travail prévoit désormais la création d’un modèle de lettre de licenciement sous la forme d’un formulaire Cerfa (à paraître d’ici le 1er janvier 2018) applicable aussi bien en cas de licenciement pour motif économique que pour motif personnel. Ces formulaires rappelleront les droits et obligations de chaque partie et permettront aux employeurs de ne pas oublier les mentions indispensables.
Remarque : Les Ordonnances Macron ont également modifié le délai de prescription en matière de licenciement passant de 24 mois à 12 mois (cf. infra). Cependant, en cas de licenciement pour motif économique, ce nouveau délai est applicable seulement si l’employeur l’a mentionné dans la lettre de licenciement. Dès lors l’employeur devra s’interroger sur la pertinence de cette mention dans la lettre de licenciement.
Jusqu’à présent, l’absence de motif de licenciement précis dans la lettre de licenciement était considérée comme une « absence de motif » et le licenciement était jugé comme étant « sans cause réelle et sérieuse »* devant un juge prud'homale.
Dorénavant, les motifs figurant dans la lettre de licenciement pourront être précisés ultérieurement par l’employeur, de sa propre initiative ou à la demande du salarié, après la notification du licenciement.
L’employeur aura donc une « deuxième chance » pour préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. Il ne pourra cependant pas les compléter, c’est-à-dire ajouter de nouveaux motifs.
D’après l’actuel projet de décret du 23 novembre 2017, le salarié disposerait de 15 jours suivant la notification pour demander à l’employeur par lettre RAR des précisions sur les motifs figurant dans la lettre de licenciement. Parallèlement, l’employeur disposerait également d’un délai de 15 jours pour apporter des précisions s’il le souhaite. Il les communiquerait au salarié soit par lettre RAR ou lettre remise en main propre contre décharge.
Licenciement, quel est le nouveau délai pour le contester ?
Jusqu’à présent, le Code du travail prévoyait un délai de prescription de 24 mois pour engager une action en justice portant sur l’exécution du contrat de travail (ex. rappel de salaire) et sur la rupture du contrat de travail (ex. licenciement).
Dorénavant, les articles du Code du travail** font une distinction entre le délai applicable à l’action portant sur l’exécution du contrat de travail et celle portant sur sa rupture.
Ainsi, il n’y a pas de changement pour l’action en justice portant l’exécution du contrat de travail qui se prescrit toujours par 24 mois, alors que l’action sur la rupture du contrat de travail (hors cas de discrimination et harcèlement) se prescrit désormais par 12 mois à compter de la notification de la rupture.
Autrement dit, un salarié qui veut contester son licenciement a maintenant 12 mois pour agir, au-delà, sa demande sera jugée irrecevable.
Remarque : Attention, en cas de licenciement pour motif économique, ce nouveau délai de 12 mois est applicable seulement si l’employeur l’a mentionné dans la lettre de licenciement. En l’absence d’une telle mention, l’action du salarié se prescrit par 24 mois.
Concernant l’entrée en vigueur de ce nouveau délai de 12 mois pour contester la rupture du contrat de travail, il faut distinguer deux cas :
- s’il n’y a pas d’instance introduite devant les juridictions, ce nouveau délai (12 mois) s’applique à compter du 23 septembre 2017 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (cf. illustration infra).
- si une instance a été introduite avant le 23 septembre 2017, l’ancien délai de prescription (24 mois) continue de s’appliquer, y compris en appel et en cassation.
Le licenciement individuel : les nouvelles règles de calcul des indemnités
À titre liminaire, notez que le Code du travail et les Conventions collectives prévoient une indemnité de licenciement appelée respectivement « indemnité légale de licenciement » et « indemnité conventionnelle de licenciement ». Le cas échéant, l’employeur doit attribuer au salarié l’indemnité la plus avantageuse.
Les Ordonnances Macron sont venues modifier les conditions d’éligibilité et de calcul de l’indemnité légale de licenciement (celle prévue par le code du travail).
Désormais, les licenciements (sauf faute grave) prononcés à compter du 24 septembre 2017 ouvrent droit à une indemnité légale de licenciement pour tout salarié justifiant de 8 mois d’ancienneté ininterrompus. Avant les Ordonnances Macron, il fallait une ancienneté de 12 mois.
À compter du 27 septembre 2017, les modalités de calcul de l’indemnité légale de licenciement sont les suivantes :
- L’indemnité est calculée à partir des années de service et des mois de travail effectués. En cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.
- Le taux de l’indemnité correspond à : 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans ; 1/3 de mois pour les années à partir de 10 ans.
La rémunération constituant la base de calcul de l’indemnité est la plus avantageuse des formules suivantes :
- Soit la rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service est inférieure à 12 mois, la rémunération moyenne mensuelle perçue avant le licenciement ;
- Soit le tiers de la rémunération moyenne mensuelle des 3 derniers mois précédant le licenciement (incluant un prorata sur 3 mois des primes ou gratifications à caractère annuel ou exceptionnel).
Quelle est désormais l’indemnité en cas de non-respect de la procédure de licenciement ?
Dorénavant, lorsque le juge constate une irrégularité de forme dans la procédure de licenciement, il accordera au salarié une indemnité pouvant aller jusqu’à 1 mois de salaire.
Cette sanction est prévue par le Code du travail et s’applique désormais aux irrégularités de formes (ex. irrégularité de la convocation à entretien préalable) commises au cours d’un licenciement individuel ou d’un petit licenciement collectif (moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours), que ce soit pour un motif personnel ou économique. Elle s’applique également en cas de non-respect des éventuelles procédures conventionnelles ou statutaires de consultation préalable au licenciement.
Cette nouvelle sanction s’applique également aux entreprises de moins de 11 salariés et aux salariés ayant moins de 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise (article L.1235-5 du Code du travail).
Avant les Ordonnances Macron, pour les entreprises ayant moins de 11 salariés et les salariés n’ayant pas 2 ans d’ancienneté, l’indemnité était calculée en fonction du préjudice subi (sauf en cas de violation des dispositions relatives à l’assistance du salarié par un conseiller prévues par le Code du Travail).
Ces nouvelles mesures s’appliquent aux licenciements prononcés depuis le 24 septembre 2017
Quelle est désormais l’indemnité en cas de licenciement abusif ?
Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (ou abusif) lorsque le motif à l’origine du licenciement est invalidé par le juge. Dans ce cas, le salarié peut être réintégré dans l’entreprise ou indemnisé.
Dorénavant, pour fixer le montant de l’indemnité pour licenciement, le juge prud’homal doit se référer à un barème obligatoire, qui comprend des montants minimaux et maximaux d’indemnisation par année d’ancienneté (article L.1235-3 du Code du travail).
Avant les Ordonnances Macron, les salariés ayant au moins 2 ans d’ancienneté et travaillant dans une entreprise d’au moins 11 salariés pouvaient se voir attribuer une indemnité d’au moins 6 mois de salaire brut en cas de licenciement abusif. Ce minimum est désormais réduit à 3 mois.
Indemnité en cas de licenciement nul, quels changements ?
Lorsqu’il est prononcé pour un motif discriminatoire, suite à un harcèlement ou autre, le licenciement est nul.
Le barème obligatoire déterminant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (cf. supra) n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est nul (article L.1235-3-1 du Code du travail).
En cas de licenciement nul, lorsque le salarié ne demande pas sa réintégration ou lorsque sa réintégration est impossible, le juge lui attribue une indemnité qui ne peut pas être inférieure aux salaires bruts des 6 derniers mois et qui n’est pas plafonnée. Cette indemnité s’applique à toutes les entreprises quelle que soit la taille.
Le Code du travail inclut désormais des nouveaux cas de nullité ouvrant droit à une indemnité pour licenciement nul (article L.1235-3-1) :
- La violation d'une liberté fondamentale (ex. droit de grève) ;
- Le licenciement d’une victime ou témoin de harcèlement moral ou sexuel ;
- Le licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice tendant à faire constater l’existence d’une discrimination ;
- Le licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre hommes et femmes ;
- La violation du statut protecteur des lanceurs d’alerte ;
- La violation du statut protecteur des représentants du personnel ;
- La violation du statut protecteur lié à la maternité ou la paternité ;
- La violation du statut protecteur des victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Ces nouvelles mesures sont applicables aux licenciements prononcés depuis le 24 septembre 2017.