Lorsqu’une société commerciale fait l’objet d’une procédure collective, il arrive que le dirigeant soit sanctionné par le tribunal. C’est le cas notamment lorsque le dirigeant tient une part de responsabilité dans la défaillance de son entreprise, en raison d’un comportement fautif : on parle alors de faute de gestion. La sanction qui est prononcée peut être patrimoniale (action en comblement de passif) ou personnelle (faillite personnelle ou interdiction de gérer).
Quels sont les risques de sanctions qui pèsent sur le dirigeant ? Qu’est-ce que l’interdiction de gérer et la faillite personnelle ? Enfin, quelles sont les conséquences de ces sanctions ?
Rappel : quels sont les risques de sanctions qui pèsent sur le dirigeant ?
Si un dirigeant peut être sanctionné lorsque son entreprise fait l’objet d’une procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire), la simple ouverture d’une telle procédure n’implique pas nécessairement que des sanctions seront prononcées. Un dirigeant dont l’entreprise ne prospère pas (à cause de mauvais choix stratégiques, d’un contexte économique…) n’est aujourd’hui plus sanctionné. A l’inverse, le droit et les procédures collectives interviennent afin de l’aider à redresser l’entreprise lorsque cela est possible ou à la liquider dans les meilleures conditions. Cependant, cet accompagnement a des limites : le dirigeant qui a délibérément commis des agissements fautifs, ayant participé à l’état de cessation des paiements de l’entreprise, pourra se voir sanctionner.
Plusieurs types de sanctions existent.
Les sanctions personnelles
Les sanctions de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer peuvent être prononcées par le Tribunal de commerce à l’encontre du dirigeant qui s’est rendu coupable d’agissements fautifs. Ce dernier est alors sanctionné pour avoir eu un comportement malhonnête : non-tenue d’une comptabilité (ou tenue d’une comptabilité fictive ou irrégulière), exercice d’une activité en dépit d’une interdiction, recours à des moyens particuliers pour se procurer des fonds dans l’objectif de retarder ou éviter l’ouverture d’une procédure collective, refus de collaborer avec les acteurs de la procédure collective, etc.
Ces sanctions ont des conséquences lourdes pour le dirigeant, puisqu’elles entraînent déchéances et interdictions. Elles peuvent ainsi aboutir à l’exclusion du dirigeant de la vie des affaires pendant plusieurs années.
La faillite personnelle emporte la déchéance de certains droits civiques (par exemple : le droit d’exercer une fonction publique élective), mais également l’interdiction de diriger, de gérer, d'administrer ou de contrôler toute entreprise commerciale, artisanale ou agricole, toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale, de manière directe ou indirecte (article L. 653-2 du Code de commerce).
L’interdiction de gérer emporte pour le dirigeant l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler toute entreprise commerciale, artisanale ou agricole et toute personne morale, que ce soit de manière directe ou indirecte (article L. 653-8 du Code de commerce).
Ces deux sanctions aboutissent donc à la même conséquence : l’interdiction de diriger et gérer une entreprise pendant un certain temps.
Ces sanctions entraînent pour les dirigeants la déchéance de leur droit de vote dans la société ; ils peuvent également être tenus de céder leurs parts ou leurs actions.
La faillite personnelle et l’interdiction de gérer sont mentionnées au casier judiciaire du dirigeant, ainsi que dans le fichier national des interdits de gérer (FNIG)
Les sanctions patrimoniales
Ces sanctions visent à condamner le dirigeant d’une entreprise qui a commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, à supporter tout ou partie de cette insuffisance (on parle d’action en comblement de passif). Le montant de l'insuffisance d'actif est alors supporté, en tout ou en partie, par le dirigeant ayant commis une faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal de commerce peut les déclarer solidairement responsables.
Quelle est la différence entre l'interdiction de gérer et la faillite personnelle ?
Nous l’avons vu, l’interdiction de gérer et la faillite personnelle relèvent des sanctions personnelles pouvant être prononcées par le tribunal en cas d’agissement fautif du dirigeant.
Bien qu’elles aboutissent à la même interdiction, c’est-à-dire celle de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise, il existe quelques différences entre la faillite personnelle et l’interdiction de gérer. Si ces sanctions sont similaires, elles n’ont en effet pas le même degré de sévérité. Ainsi, la faillite personnelle est une sanction beaucoup plus lourde que l’interdiction de gérer.
La différence principale réside dans le champ d’application de la sanction. Alors que la faillite personnelle emporte la déchéance de certains droits civiques et une interdiction générale d'exercer, l'interdiction de gérer peut être limitée à un secteur d'activité ou un type d’entreprise spécifique. Cette dernière sanction est donc plus “modérée” en ce qu’elle ne vise pas, contrairement à la faillite personnelle, à exclure totalement le dirigeant du monde des affaires pendant une durée déterminée.
Enfin, la sanction de faillite personnelle emporte une lourde conséquence pour le dirigeant, puisque ses créanciers retrouvent leur droit de poursuite individuelle pendant la durée de la sanction.
Dans quel contexte ces sanctions peuvent-elles être prises et sous quelles conditions ?
Le cas de la faillite personnelle
Toute personne physique exerçant une activité commerciale ou artisanale, ou une activité professionnelle indépendante peut être sanctionnée pour faillite personnelle si elle a :
- poursuivi abusivement une entreprise déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements ;
- détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif, ou frauduleusement augmenté son passif, participant ainsi à l’ouverture d’une procédure collective.
Pour prononcer la faillite personnelle, le tribunal doit être saisi par le mandataire judiciaire, le liquidateur ou encore le ministère public. Il peut également être saisi par la majorité des créanciers nommés contrôleurs. Le délai de prescription est de 3 ans, à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective.
Le cas de l’interdiction de gérer
Comme pour la faillite personnelle, l'interdiction de gérer ne peut être prononcée que lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte.
Elle est prononcée à l'encontre de toute personne exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou une activité professionnelle indépendante qui, de mauvaise foi, n'a pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'elle est tenu de lui communiquer dans le mois suivant le jugement d'ouverture (en vertu de l'article L. 622-6 du Code de Commerce).
L'interdiction de gérer peut également être prononcée à l'encontre des mêmes personnes dès lors que celles-ci ont omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai légal de 45 jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir par ailleurs demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
Enfin, elle peut être prononcée à l’encontre de ces personnes dès lors qu’elles ont commis un acte susceptible d’être sanctionné par une faillite personnelle, mais dont la gravité n’est pas suffisante pour justifier une telle sanction.
Quelles sont les conséquences de ces sanctions pour le dirigeant ? Quels sont ses recours ?
Depuis la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, les sanctions de faillite personnelle et d’interdiction de gérer ne peuvent pas être prononcées pour une durée supérieure à 15 ans.
Le relèvement de ces sanctions est automatique : la fin des déchéances et interdictions advient sans que le prononcé d’un quelconque jugement ne soit nécessaire.
Néanmoins, il est possible pour le dirigeant d’être réhabilité avant que sa sanction ne prenne fin, sous certaines conditions.
S’agissant de la faillite personnelle, le dirigeant peut ainsi demander au tribunal le relèvement de la sanction avant son terme s’il a apporté au règlement du passif une contribution suffisante.
Concernant l’interdiction de gérer, le dirigeant peut demander au tribunal le relèvement de la sanction avant son terme pour la même raison, à savoir une contribution suffisante au règlement du passif. Il existe aussi un second motif de demande de relèvement, qui consiste à apporter la preuve que le dirigeant est en capacité de diriger ou contrôler une entreprise ou une personne morale (par exemple : en démontrant que celui-ci suit une formation professionnelle).
En pratique, le tribunal examinera une pluralité de paramètres pour faire droit à la demande du dirigeant, notamment la gravité des actes commis ou la durée de la sanction déjà écoulée.
Ni la faillite personnelle ni l’interdiction de gérer ne sont donc irrévocables ; cependant, seuls les dirigeants disposant de justifications solides et d’une véritable motivation pourront espérer un relèvement de la sanction.
En cas de sanction de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer, il est important de faire appel à un avocat spécialisé en droit des affaires ou en droit des procédures collectives. Celui-ci saura défendre au mieux les intérêts du dirigeant, tout en lui prodiguant les conseils les plus adaptés à sa situation.
- Les sanctions de faillite personnelle et d’interdiction de gérer interviennent dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, lorsque le dirigeant a commis une faute de gestion ayant participé à la défaillance de son entreprise.
- La faillite personnelle et l’interdiction de gérer ont pour conséquence d’interdire au dirigeant l’exercice d’une activité de gestion pendant une durée déterminée. La faillite personnelle est la sanction la plus lourde, en ce qu’elle oppose au dirigeant une interdiction totale d’exercer.
- La faillite personnelle et l’interdiction de gérer sont prononcées pour une durée de 15 ans maximum. Elles peuvent être révoquées sous certaines conditions strictes.
- Rappel : quels sont les risques de sanctions qui pèsent sur le dirigeant ?
- Quelle est la différence entre l'interdiction de gérer et la faillite personnelle ?
- Dans quel contexte ces sanctions peuvent-elles être prises et sous quelles conditions ?
- Quelles sont les conséquences de ces sanctions pour le dirigeant ? Quels sont ses recours ?
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