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Qu’est-ce que la cession de propriété intellectuelle ?

Me Yoram Kouhana
Écrit par Me Yoram Kouhana. Avocat au Barreau de Paris, spécialisé en droit de la propriété intellectuelle
Relu par Clémence Bonnet.

Dès la création de la société puis au long de son développement, le dirigeant, fondateur de la société pourra être confronté à des questions relatives à la cession de droits de propriété intellectuelle

En effet, la création d’une entreprise s’accompagne notamment :

  • du choix d’un nom, d’un logo : soumis aux droits d’auteur, aux droits des marques et dessins et modèles ; 
  • d’une identité visuelle et de la création d’un site internet : dont la charte graphique du site est protégée par les droits d’auteurs ;
  • ou encore d’une application : dont le code est soumis aux droits d’auteur...

 

Pour créer ses éléments, le dirigeant va généralement se tourner vers des prestataires. Or ces créations originales confèrent à leurs auteurs des droits de propriété intellectuelle : ainsi par principe ils demeurent les droits du prestataire qui en est l’auteur (principe du droit d’auteur). Le principe est donc celui de l’absence de cession des droits au profit de la société qui a commandé la création quelle qu’elle soit.   

En outre, tout au long de la vie de l’entreprise, les associés, les salariés de l’entreprise seront amenés dans le cadre de leurs missions et de leur contrat de travail à créer des oeuvres : par exemple, des oeuvres littéraires et des photographie protégées par le droit d’auteur ou encore la conception d’un algorithme ou tout autre technologie innovante. 

Il est donc primordial pour le dirigeant de s’assurer que la propriété de ces œuvres et les droits qui y sont attachés, lui seront entièrement cédés par le prestataire, associés, salariés ou stagiaire créateur des œuvres. Ceci, d’autant plus que ces œuvres originales font partie des actifs de la société.  

C’est dans ce contexte que le premier réflexe pour le dirigeant est de se tourner vers le contrat de cession. A défaut, quand bien même la société aura payé le prestataire pour son travail, elle commet un acte de contrefaçon puni pénalement et civilement. 

Le  dirigeant d’entreprise doit donc s’interroger sur les modalités du contrat de cession de propriété intellectuelle, l’exploitation des droits cédés, et la possibilité d’exploiter les œuvres créées par les salariés ou stagiaires de l’entreprise.

Maître Yoram Kouhana, avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle vous explique toutes les étapes concernant la procédure et le contexte d’une cession de droits de propriété intellectuelle (marque, brevet, droits d’auteur).

 

 

Qu’est-ce que la propriété intellectuelle ?

 

La notion de propriété intellectuelle fait référence à l’ensemble des droits attachés aux créations intellectuelles qu’elles soient littéraires et artistiques (cela comprend notamment le droit d’auteur) ou industrielles (cela comprend le brevet d’invention, la marque, le nom de domaine…).

Le droit de propriété intellectuelle qui encadre la création, garantit aux auteurs la propriété de leur œuvre et une rémunération en cas d’utilisation. Cette protection est garantie par le dépôt de brevets, par le régime des droits d’auteur ou l’enregistrement des marques.

 

Dans quels cas des droits de propriété intellectuelle peuvent être amenés à être cédés ?


 

Qui peut les céder ?

 

Seul le titulaire des droits de propriété intellectuelle peut décider de les céder pour en tirer une rémunération.

 

Comment les céder ?

 

Les droits de propriété intellectuelle doivent être cédés par un contrat ou une clause contractuelle spécifique. Les droits de propriété intellectuelle relatifs à l’œuvre ou l’invention sont cédés en contrepartie d’une somme d'argent forfaitaire ou proportionnelle au chiffre d’affaires que la cession des droits aura permis de réaliser.

 

Quels droits sont cédés ?

 

Pour organiser le transfert des droits, le Code de la propriété intellectuelle précise que chaque droit cédé doit être mentionné et que pour chacun de ces droits, l’étendue des droits cédés et la destination du domaine d’exploitation, son lieu et la durée du transfert devront être précisés (article L. 131-3).

 

Quid de la gestion individuelle (contrat de cession ou licence) ou collective ?


La propriété intellectuelle d’une œuvre peut être gérée selon plusieurs régimes, en fonction du nombre d’auteurs :

 

Un seul auteur : la gestion des droits de propriété intellectuelle est individuelle


L’auteur peut librement transférer ses droits via un contrat de cession ou une licence.

  • Le contrat de cession permet à l’auteur de transférer les droits contre une somme d’argent forfaitaire ou indexée sur le chiffre d’affaires dégagé grâce à sa création. Les parties fixeront la durée de la cession, son application et éventuellement une limite géographique.
  • Le contrat de licence autorise l’exploitation de la création de l’auteur contre le versement d’une redevance, un peu à la manière d’un contrat de location. Dans ce cas, l’auteur reste propriétaire de ses droits de propriété intellectuelle. Là aussi, les parties fixeront la durée de la cession, son application et éventuellement une limite géographique.

 

Notez qu’on différencie la licence exclusive et la licence simple. Le bénéficiaire d’une licence exclusive aura la garantie d’être le seul à pouvoir exploiter les droits qui lui auront été cédés par le contrat.

 

Pluralité d’auteurs : la gestion des droits de propriété intellectuelle sera collective

 

On parle de gestion collective quand plusieurs auteurs ont participé à l’élaboration de l’œuvre (co-auteurs ou co-inventeurs) mais également quand l’œuvre est exploitée collectivement.

Chaque auteur ou copropriétaire détient alors une part de l’œuvre dont la taille est déterminée en fonction de son investissement, de sa part inventive…

 

Quels sont les éléments à prévoir dans une cession de droits d’auteur ?


Comme tout contrat de cession, des mentions obligatoires doivent figurer dans un contrat de cession de droits d’auteur. 

 

Parmi les mentions obligatoires à faire apparaître : 

 

  • l’identité des parties ou de leurs signataires si elles sont représentées ;
  • l’objet du contrat ;
  • les engagements réciproques des parties ;
  • la rémunération ;
  • la juridiction compétente en cas de litige (sauf en cas de cession à un consommateur) ; 
  • la date du contrat.

 

Les mentions spécifiques aux contrats de cession de droits d’auteur

 

L’article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que certaines mentions doivent figurer au contrat (en l’absence de ces mentions la cession ne sera pas nécessairement invalidée mais les risques de contentieux en l’absence de ces mentions sont réels).

  • Étendue des droits cédés : il existe une multitude de droits attachés à chaque œuvre en fonction de sa nature : le droit d’exploitation, de traduction, de reproduction, d’adaptation… Il faut veiller à englober tous les droits envisagés car le droit non cédé restera la propriété de son auteur.
  • Durée : elle est fixée librement par les parties.
  • Territoire couvert : il peut être limité ou non à un ou plusieurs pays.
  • Domaine d’exploitation : il s’agit des applications possibles de l’œuvre. Pour s’assurer que tous les usages utiles sont prévus au contrat, cette clause peut être détaillée de manière très précise pour viser les supports sur lesquels l’œuvre est destinée à figurer (papier ou numérique, divulgation au public ou pour un usage privé…).


La clause de garantie

 

Il est recommandé d’inclure dans les contrats de cession de droits de propriété intellectuelle, une clause de garantie de jouissance paisible. En effet, la société qui exploite les droits d’auteurs cédés (cessionnaire) devient responsable à l’égard des tiers victimes de violations de leurs propres droits sur l’œuvre, dans le cas par exemple d’une contrefaçon ou d’un plagiat. Il faudra donc veiller à ce que l’auteur se porte garant contre tout recours concernant l’œuvre dont il aura cédé les droits.

Par cette clause, le cédant garantit notamment au cessionnaire l’originalité de l'œuvre, que les droits cédés ne portant pas atteinte aux droits des tiers dont le cédant aurait connaissance.  

Si une action en contrefaçon, parasitisme venait à s’ouvrir à l’encontre du cessionnaire, cette clause pourra engager le cédant à collaborer de bonne foi à la défense des intérêts du cessionnaire.

Pour le cas où une action en justice serait intentée à l’encontre du cessionnaire, le cédant s’engage à collaborer de bonne foi à la défense des intérêts du cessionnaire en fournissant tous les éléments d’information et l’assistance nécessaire à cet effet.

 

Quid des cessions automatiques ?

 

L'associé, le stagiaire ou le prestataire ne cèdent jamais automatiquement leurs droits de propriété intellectuelle sur les créations. Ainsi, en l'absence de cession expresse, les droits ne sont en principe cédés automatiquement au profit de la société (sauf exceptions). 

En effet, nous l’avons vu, par principe les cessions sont encadrées par des contrats, des actes de cessions. Mais dans certains cas, les cessions peuvent sous conditions être automatiques, notamment s’agissant de cession par les salariés au profit de la société. 

 

Les cessions de droits des fondateurs non-salariés 

 

La cession des droits à la société n’est jamais automatique lorsque la création est le fait d’un fondateur non salarié. Il faudra donc toujours prévoir un contrat de cession portant sur les droits de propriété intellectuelle (attention, une clause spécifique dans un pacte d’associés / pacte d’actionnaires n’emportera pas cession des droits de propriété intellectuelle).

Même pour les salariés, il y a deux cas automatiques mais sous conditions à expliciter (brevet, logiciel et oeuvre collective), et même là par précaution on insère des clauses détaillées dans les contrats de travail pour limiter les risques de conflits).

 

Les cessions de droits des salariés 

 

Selon une étude menée par l’INPI, 90% des inventions brevetées sont le fait de salariés. Il faut en être conscient pour prévoir une cession de droits adéquate.

Le transfert des droits à la société pour les créations des salariés peut parfois être automatique, en fonction de la nature des œuvres.

  • Les logiciels : les droits attachés aux logiciels créés dans le cadre des missions du salariés, sont automatiquement transférés à l’entreprise, sauf si le contrat de travail prévoit le contraire (article L.113-9 du Code de la propriété intellectuelle). Attention il s’agit uniquement des logiciels et non de leur partie graphique qui est soumise au droit d’auteur (voir-ci-dessous).

  • Les droits d’auteur (hors logiciel) : ils ne sont jamais cédés automatiquement et doivent donc faire l’objet d’une cession de droit d’auteur soit par un contrat soit par une clause prévue dans le contrat de travail.  

  • Les inventions brevetables qui doivent être séparées en 3 catégories :
    • Les inventions de mission : ce sont des inventions brevetables créées dans le cadre de la mission confiée au salarié : elles sont automatiquement transférées à l’employeur. Par exemple, un ingénieur de recherche qui développe une création pour laquelle il a été employé verra ses droits de propriété intellectuelle automatiquement transférés à l’employeur.
    • Les inventions hors mission attribuables : ce sont des inventions brevetables, développées en dehors du cadre de la mission du salarié mais soit avec les moyens propres de l’entreprise soit en lien avec l’activité de l’entreprise. Les droits qui y sont attachés doivent faire l’objet d’une licence d’exploitation contre rémunération spéciale.
    • Les inventions hors mission non attribuables sont les inventions sans rapport avec l’entreprise et réalisées avec les moyens propres de l’auteur. Elles restent l’entière propriété de l’auteur.

  • Les oeuvres collectives : elles sont définies à l’article L113-2 al.3 du Code de la Propriété Intellectuelle : « Est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé".

 

Les critères permettant de qualifier l'œuvre collective se reposent sur le niveau d’autonomie du salarié lors de la création de l'œuvre. Ainsi, si le travail s’inscrit dans un cadre contraignant de subordination, obligeant le salarié à se conformer à des instructions de la part du supérieur hiérarchique et à suivre les règles d’esthétisme de l’entreprise, tout en dévoilant l’oeuvre sous le nom de l’employeur, alors les juges reconnaitront l’absence de d’autonomie du salarié. 

Mais cela ne suffit pas toujours à prouver l’absence d’autonomie du salarié. Afin d’assurer à l’employeur la propriété des droits attachés aux œuvres collectives créées par ses employés, il est fréquent d’insérer des clauses détaillées dans le contrat de travail selon lesquelles les œuvres du salariés sont des œuvres collectives et appartiennent de fait à la société par exception à l’article L111-1 du CPI qui énonce que “L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous”.

Ceci limite les risques de conflits pour l’employeur. 

 

Les cessions de droit des stagiaires 

 

Les droits liés aux créations des stagiaires ne sont jamais transférés automatiquement. En fonction de la mission du stagiaire il faudra donc prévoir une clause de cession dans la convention de stage qui pourra être confirmée par la signature d’un document à la fin du stage.

 

L’importance de se faire accompagner par un avocat


 

Prévoir la cession de droits le plus tôt possible 

 

Lorsqu’une société fait appel à des salariés ou des prestataires pour des projets d'innovation, il est indispensable de prévoir une clause relative aux droits de propriété intellectuelle afin de délimiter très précisément les contours de la cession sur la création future. Il faudra veiller à ce que le contrat soit conclu avant toute prestation, au risque sinon que les droits concernant ces prestations ne fassent pas partie du contrat ultérieur. Cela engendrerait un risque de contentieux réel.

 

Renouveler la cession des droits

 

Comme il n’est pas possible de céder ses droits de manière globale pour toute création future (L.131-1 du Code de propriété intellectuelle), il faudra veiller à ce que la cession des droits soit régulièrement renouvelée par le fondateur non salarié ou le salarié amené à travailler sur plusieurs projets de création au cours de son mandat ou de son emploi.

Toute violation d’un droit de propriété intellectuelle est une contrefaçon qui donne le droit au titulaire des droits, ou selon les cas au bénéficiaire de la cession ou du contrat de licence, d’engager une action en responsabilité au civil ou au pénal contre le contrefacteur.

Celui qui agit en violation des droits de propriété intellectuelle pourra voir les objets issus de la contrefaçon saisis ou détruits dans certains cas. Lorsque la contrefaçon porte sur des biens non matériels comme un logo, une identité visuelle…, le contrefacteur sera condamné à des dommages et intérêts.  

***

Le transfert de droits de propriété intellectuelle est une opération complexe qui nécessite une parfaite compréhension à la fois des termes juridiques et du vocabulaire technique employé dans le domaine d’activité concerné par la cession.

Il est très important d’assurer un arsenal juridique solide. Ceci est d’autant plus important qu’en cas d’audit de la société (en cas de levée de fonds ou de rachat, etc.), la propriété des actifs soit bien sécurisée par des contrats et clauses solides afin de rassurer les investisseurs et acheteurs potentiels. 

Ainsi, confier la gestion de vos droits de propriété intellectuelles et la rédaction d’un contrat de cession des droits de propriété intellectuelle à un avocat spécialisé vous permettra de bénéficier de conseils stratégiques pour vous assurer le transfert effectif des droits relatifs aux créations des tiers ou salariés pour les besoins de l’entreprise et ainsi valoriser les actifs de votre société. 

 

 

Me Yoram Kouhana
Écrit par Me Yoram Kouhana

Avocat au Barreau de Paris, spécialisé en droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies, Me Yoram Kouhana assiste ses clients dans la création, protection, valorisation et défense de leurs actifs immatériels (data, marques, brevets, logiciels, sites Internet etc.). Il compte sur une forte pratique internationale : il sécurise l'ouverture de nouveaux pays : recherches d'antériorité, dépôts, rachats d'actifs, rédaction et négociation de contrats etc. Il a également une appétence pour les contentieux internationaux ou stratégiques.

Relu par Clémence Bonnet. Diplômée de l'École des Avocats
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